On dit que l’expatriation d’une famille n’est réussie que si l’expatriation de la moitié accompagnant est réussie. Nous avons donc eu une expatriation réussie. Nous revenons heureux de notre expérience. Les enfants ont vu et découvert un nouveau pays, ils parlent désormais anglais. Husband a achevé ce qu'il avait à achever, et est heureux de rentrer en France dans un nouveau poste au sein de la même société. De mon côté, j'ai redécouvert l'expatriation avec un oeil adulte, l'ayant été enfant, et appris, lu compris beaucoup de choses sur la femme d'expat.
Mais il y a des joies et des déceptions dans l'expatriation.
Qu’est-il fait pour aider la femme d’expat ? On vous trouve en général une belle maison, vous pouvez si vous avez de la chance comme moi vivre dans un pays en voie de développement et alors avoir, ce qui semble aux personnes restées en France, « la belle vie » : femme de ménage à temps plein, chauffeur, piscine, climat idéal etc.
Mais, la femme d’expat doit quand même démissionner pour venir vivre en Inde, et les lois indiennes ne facilitent (pour ne pas dire empêchent) la femme expat de travailler.
L’intégration de la famille, le bien-être du mari passent par un dévouement total de la femme d’expat à trouver des amis, résoudre les problèmes matériels, de pannes, de compte en banque, remplir le frigo en courant aux 4 coins pour trouver des denrées sympathiques, préparer ces f------ lunch box tous les jours pour les enfants, accepter un mari submergé de boulot, régulièrement absent et travaillant parfois les week-end.
Finalement la DRH « expatriatrice » du mari s’en arrange bien. La femme d’expat est une employée non rémunérée de l’entreprise de son mari, jamais remerciée mais absolument nécessaire au bon fonctionnement de l'installation dans le pays hôte.
Un objectif lorsqu’on arrive en pays inconnu en tant que femme d'expat : ne pas déprimer d'être dans ce pays tout beau, tout neuf, à découvrir mais où tous les codes et usages sont à comprendre. Donc il faut sortir, faire des activités, bref ne pas rester isolée, rencontrer du monde, se renseigner, se faire renseigner, remplir la journée même de trucs inutiles pour ne pas rester seule entre 4 murs.
C’est ce que j’aurai fait ici : des cafés, des déjeuners, des dîners, des fêtes de filles, de couples, de beaucoup de monde ; du sport ; du bénévolat, beaucoup de bénévolat ; m’occuper de mes enfants parce que le CNED tous les soirs c’est presque un sacerdoce ; de la cuisine, beaucoup de cuisine parce qu’ici ils ne connaissent ni le « ready made », ni la boulangerie, la boucherie, carrefour, picard et compagnie.
Mais finalement à part le bénévolat, je me trouve à énumérer des activités qui peuvent sembler très oisives et peu valorisantes aux yeux d’un européen. Pourtant quelle énergie déployée, quelle organisation mise en place, quelle ténacité pour maintenir tout en place, tout en étant adaptable à tout moment.
On m’avait prévenue de certaines difficultés à l’arrivée, mais finalement j’aurai bien vécu, même si cela reste difficile, l’éloignement de ma famille (merci Skype) ; j’aurai bien vécu l'absence de revenus (merci à Husband vraiment gentil qui ne m’a jamais posé de questions sur mes dépenses) ; j’aurai bien vécu l’absence de statut professionnel (les femmes d’expat on est toutes égales, il n’y a pas le même besoin de reconnaissance professionnelle en Inde qu’en France) ; j’aurai bien vécu le choc culturel car l’Inde est un pays passionnant où je me suis beaucoup plu.
Maintenant, voilà le retour qui s’annonce, que va-t-il se passer, que vais-je retenir ?
J’aurai perdu 3 ans de retraite et 3 ans de salaire.
Aux yeux des employeurs en France, je n’aurai pas fait d’activités rémunérées les seules vraiment valorisées. Suis-je encore crédible ? Je le pense, j’en suis certaine mais l’employeur futur qu’en pense t-il ?
J’ai adoré parler anglais tous les jours.
J’aurai rencontré des gens improbables que je ne reverrai certainement jamais sauf peut-être par facebook. J’aurai côtoyé des gens que je n’aurais pu / du / eu envie de rencontrer. Je me suis surprise à apprécier des gens que je n’aurais peut-être pas osés approcher auparavant. J’ai rencontré des gens formidables.
J’aurai visité, j’aurai beaucoup appris sur une nouvelle culture, un nouveau vocabulaire, des bribes d’une nouvelle langue. Je sors riche de ses découvertes.
J’aurai déballé ma vie privée à des femmes que je venais de rencontrer depuis 5 min et elles en auront fait tout autant.
J’aurai entendu beaucoup de ragots, et certainement participé malgré moi.
J’aurai souffert de l’égoïsme, du manque d’éducation, du manque d'empathie de certains expats que je côtoyais pourtant tous les jours et avec qui je faisais des milliers de choses. J'aurai subi les expats profiteurs, abuseurs, opportunistes, non reconnaissants. En bref, la nature humaine mais en condensé car ici la communauté est toute petite et vous n'avez pas le choix de ceux qui vous entourent.
Et finalement combien d’amitiés sincères, combien d’amitiés artificielles ? Seul l’avenir me le dira.
Maintenant, il va falloir organiser tout le déménagement retour, retrouver un logement, réinstaller à nouveau toute la famille socialement, scolairement, professionnellement. Là encore, travail de fourmi, travail en sous-marin, travail seule et non aidée, travail épuisant, travail stressant, travail non reconnu par la DRH « expatriatrice ».
J’ai récemment appris un mot nouveau : l’impatriation. Et on m’a prévenue, l’impatriation est tout aussi, voire plus difficile que l’expatriation...
